De nombreuses postures de principes, parfois très théoriques, ont été exprimées. Ces prises de positions concernent surtout la réversibilité, la lisibilité des interventions et les moyens employés. Débattre de ces questions est aujourd’hui essentiel.
Compte-tenu de la nature des œuvres et de leur condition de conservation, il faut souligner que tout geste du restaurateur/conservateur représente un acte particulièrement engageant. La réintégration ne doit être que le dernier élément d’un travail préalable éventuel de nettoyage, refixage, consolidation et réhabilitation de la structure mécanique de l’œuvre, gage essentiel de pérennité.
Rappelons qu’une couverture photographique et une documentation écrite complète de l’œuvre demeure un guide indispensable et un témoignage précieux tout au long du travail. Un calque pourra compléter cette étape d’observation. Avant d’engager toute intervention de réintégration picturale et même dans certains cas de traitement des lacunes avec un mastic, une attention toute spéciale doit être apportée à l’étude du dessin de l’œuvre.
Notre choix est allé vers une intervention de type illusionniste relative. Parfois des lavis à l’aquarelle en demi teinte ont été appliqués dans des zones lacunaires trop importantes, le pointillisme ou le trateggio nous ont paru inadapté à cette technique picturale, qui s’observe de près comme une miniature.
Il nous semble préférable d’utiliser les matériaux de restauration simples en bonne cohésion avec l’original, réversibles et identifiables. Nous n’avons pas retenu les couleurs liées à l’acrylique qui nous paraissent peu réversibles, et incapables de restituer la diversité d’aspect si essentielle à la peinture tibétaine.
Les couleurs sont donc fabriquées par nos soins. Les liants à base de colle animale et de gomme sont choisis en fonctions des couleurs, et leur densité est ponctuellement dosée, en rapport avec les brillances désirées. Ces techniques en osmose étroite avec l’œuvre imposent au restaurateur des obligations : intervention minimum, et vigilance extrême quant au choix de chaque partie réintégrée. L’identification devra toujours être possible par un observateur averti.
En conclusion, il serait intéressant de réunir autour de ce sujet délicat, comme l’a fait Gaelle Le Men pour les icônes (Conservation-Restauration, juin 1998), un collège pluridisciplinaire confrontant des restaurateurs, des conservateurs et des historiens. Ce groupe de travail pourrait alors analyser les travaux de ces trente dernières années, dégager une synthèse des interventions négatives et positives et permettre d’instaurer un réel débat de fond dans ce domaine si particulier.